Conseil d’Etat 7 mars 2008- SOCIÉTÉ DES HYPERMARCHÉS DE NORMANDIE-PICARDIE et autres
Annulation de la légalité d’une décision du 12 septembre 2006 par laquelle la CNEC a accordé à la SCI « SCCV du Triangle » l’autorisation de créer, à Abbeville (Somme), un ensemble commercial de 19 490 m² de surface de vente comprenant un hypermarché « Carrefour » de 7 800 m², une galerie marchande de 3 500 m², un centre auto et divers magasins spécialisés dans l’équipement de la personne, l’équipement de la maison, le sport et les loisirs.
La réalisation du nouvel ensemble commercial se traduirait, dans la zone de chalandise, par une densité commerciale, pour ce qui concerne les grandes surfaces à dominante alimentaire, supérieure de près de 55 % à la moyenne nationale et de 39 % à la moyenne départementale. Dans ces conditions, le prélèvement supplémentaire sur le marché potentiel risquerait de s’effectuer non seulement sur le chiffre d’affaires des grandes surfaces situées à proximité du site d’implantation mais aussi sur celui des commerces de centre-ville. Si la commission nationale d’équipement commercial a estimé qu’un apport touristique important était de nature à limiter ces risques, elle s’est bornée à mentionner le nombre de résidences secondaires dans la zone de chalandise ainsi que l’importance de l’activité touristique régionale en incluant la côte picarde et en s’appuyant sur les seules données produites par le pétitionnaire, fortement réévaluées par rapport à son premier dossier de présentation et contestées tant par les requérantes que par la chambre de commerce et d’industrie et les auteurs du schéma de développement commercial.
Même si le projet pourrait contribuer au développement d’une zone d’aménagement concerté située au nord de l’agglomération abbevilloise et entraîner une création nette d’emplois qui a été évaluée à environ deux cents, il aura pour effet, alors que la zone de chalandise ne connaît pas une évolution démographique favorable, que l’offre commerciale dans le secteur alimentaire est abondante et que nombre de projets autorisés n’ont pas encore été réalisés, de détruire des emplois non seulement dans les grandes surfaces concurrentes, mais également dans le commerce traditionnel de centre-ville, dont le nombre est évalué à plus de cent en ce qui concerne les seuls salariés. Ce projet n’apparaît pas de nature à favoriser le développement de la concurrence, dès lors qu’il renforcera l’emprise du groupe « Carrefour », déjà en situation prééminente dans cette zone géographique. Le trafic engendré par le centre commercial et les moyennes surfaces spécialisées comporte, compte tenu des accès prévus, des risques de saturation entraînant des difficultés de circulation sur la voirie départementale et des nuisances sur l’environnement.