La DDE et la prise en compte territoriale des intérêts nationaux

La procédure d’autorisation commerciale et le permis de construire ne sont pas des actes isolés, ils s’intègrent dans des procédures opérationnelles d’aménagement foncier et de construction et constituent l’un des aboutissements des réflexions sur l’organisation de l’espace et le développement économique, qui se traduisent elles-mêmes par les différents documents de planification.

Les DDE jouent dans cette partition un rôle multiple. Que ce soit dans la collecte et la spatialisation des données, le porter à connaissance, l’association à l’établissement des documents d’urbanisme, l’élaboration du schémas de développement commercial, ou dans l’urbanisme opérationnel, leurs interventions se situent principalement en amont des autorisations d’urbanisme commercial.

Il convient de rappeler que, depuis la décentralisation de 1983 les DDE n’ont plus dans leurs attributions la responsabilité directe de l’élaboration des documents d’urbanisme, ni de l’octroi du Permis de construire.

Néanmoins, les services déconcentrés de l’Etat, en charge de l’urbanisme, ont un rôle important à jouer par la mise à disposition de leur connaissance des territoires et des logiques de leur développement, par leurs responsabilités de services de l’Etat qui est le garant de la prise en compte territoriale des intérêts nationaux, de la compatibilité entre eux des divers documents d’urbanisme et du contrôle de leur légalité, par les prestations qu’ils apportent aux collectivités locales sous des formes diverses (mise à dispositions pour l’application du droit des sols, assistance technique générale aux petites communes, conseil, prestations d’ingénierie publique rémunérées).

Comme l’indique le Code de l’Urbanisme l’Etat conserve ses fonctions régaliennes de porter à connaissance, et de contrôle du respect des prescriptions fondamentales.

A ce titre, les DDE doivent notamment veiller, pour le compte du Préfet, à l’application des principes généraux de l’aménagement du territoire, patrimoine commun de la nation tels que définis par le Code de l’Urbanisme et qui doivent être respectés dans tous les documents d’urbanisme et notamment les SCOT avec lesquels les PLU, les schémas d’équipement commerciaux et les décisions d’autorisations commerciales doivent être compatibles.

Dans l’exercice de cette mission les DDE doivent s’attacher autant à la définition du contenu, à la prévision et à la maîtrise des évolutions, qu’à la traduction formelle et réglementaire de l’occupation de l’espace. Elles doivent s’efforcer également de mieux cerner la demande de nos concitoyens, qui aspirent à une ville plus conviviale, plus saine, moins minérale. De même, s’assureront-elles que les principes généraux de gestion économe de l’espace, de protection des milieux naturels et des paysages, de non discrimination sociale, de sécurité, et que les grands équilibres spatiaux économiques et environnementaux sont bien respectés. Elles doivent aussi veiller aux cohérences et aux complémentarités entre les différents documents ou projets dont elles ont connaissance, et dont elles assurent le suivi ou la mise en oeuvre.

Elles jouent un rôle important dans le porter à connaissance, et partant, en s’appuyant en tant que de besoin sur les DRE, dans la collecte des données et leur mise à jour, et dans le suivi des évolutions.

Enfin, elles doivent veiller au respect dans les documents d’urbanisme des différentes législations et des servitudes et à leur prise en compte (L126-1 et R126-1), qu’elles soient relatives à la protection du patrimoine naturel et culturel, à l’utilisation de certaines ressources et équipements ou à la salubrité et à la sécurité publique, à l’application des Lois Littoral et Montagne.

En ce qui concerne le contrôle de légalité, on se bornera à rappeler l’observation souvent relevée que le Préfet a un rôle de veille sur les impacts des politiques publiques sur les territoires, et un devoir de contrôle de l’application du droit des sols et de la régularité des actes d’urbanisme. Il délègue, en général largement , ces attributions aux chefs de services et à leurs collaborateurs assermentés. On déplore néanmoins un désintérêt croissant pour cette mission, corollaire pourtant indispensable au respect des règles édictées, et garantie du citoyen de l’égalité devant la loi.

La desserte des équipements commerciaux et l’impact du projet

La desserte des équipements commerciaux et l’impact du projet au regard des déplacements, de la circulation routière et du stationnement sont devenus un critère important d’appréciation.

Désormais la qualité de la desserte constitue un élément d’appréciation pour l’octroi de l’autorisation commerciale et doit donc être examinée lors du passage en CDAC.

La satisfaction des besoins des consommateurs en terme de qualité de service figurait déjà parmi les objectifs généraux de l’équipement commercial. Elle concerne en particulier les personnes ne disposant pas de moyens de transports individuels ou collectifs.

Le service instructeur se montre attentif à l’accessibilité à pied des commerces à vocation de proximité (commerces à dominante alimentaire).

Parmi les exigences de l’aménagement du territoire, telles qu’elles sont explicitées par le Code de l’Urbanisme relatif aux principes généraux de l’aménagement du territoire, figure déjà également l’obligation pour chaque collectivité de «rationaliser la demande de déplacements ».

Ce dernier point revêt une importance particulière lorsque, en raison de ses caractéristiques propres, l’équipement projeté est susceptible de développer une très large zone de chalandise (cas, par exemple, des ensembles de magasins d’usines ou de marques qui sont connues pour rayonner à plus de 150 ou 200 km).

Rappelons également que les règles du PLU doivent être respectées en matière de desserte, et que les aspects de sécurité des usagers peuvent être un motif de refus du Permis de construire, ou de prescriptions particulières.

Désormais la DDE doit porter un avis sur les éléments suivants qui, depuis la loi SRU, figurent parmi les données présentées par le demandeur que les CDAC (et la CNAC) doivent prendre en compte, à savoir :

  • « l’impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules à livraison »,
  • la « qualité de desserte en transports publics ou avec des modes alternatifs ».
  • les capacités d’accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises.

Cet avis doit comporter une vérification de l’analyse du demandeur.

Il devrait exploiter, le cas échéant, les prescriptions pertinentes du Plan de déplacement urbain (PDU) qui est obligatoire pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants, ainsi que le cas échéant celles du PLU.

L’impact sur les flux de circulation doit désormais être examiné à deux échelles différentes ; celles de la desserte immédiate et celles des conditions générales de circulation.

Les DDE doivent s’assurer que les cartes présentées comprennent bien les voiries mises en service, en travaux ou projetés à moyen terme et, dans la négative, fournir un plan complémentaire à jour montrant ces nouvelles liaisons routières.

La desserte immédiate

Celle-ci doit répondre aux objectifs de commodité et de sécurité de la circulation des voitures particulières et de la sécurité des piétons.

Ce point a toujours été soigneusement examiné par les DDE dans la mesure où il conditionne l’octroi du permis de construire et où elles étaient responsables de l’exploitation de la voirie nationale et, pour le compte du département, de la voirie départementale.

Désormais, cette qualité de la desserte routière constitue également un élément d’appréciation pour l’octroi de l’autorisation commerciale et doit donc être examinée lors du passage en CDAC.

En outre il y a lieu de s’assurer que l’accès des véhicules de livraison n’est pas de nature à causer des gênes excessives aux riverains.

La DDE devra donc, le cas échéant, après avoir pris l’attache du gestionnaire de la voirie lorsqu’il est autre que la DDE (ce qui sera désormais le cas pour la voirie départementale), indiquer si, en l’état d’avancement du projet, une réponse satisfaisante est donnée (au plan de la sécurité, de la commodité et de la fluidité de la circulation).
Dans la négative l’avis devra préciser les aménagements nécessaires à mettre en oeuvre à cet effet et leur état d’avancement.

Les conditions générales de circulation

L’impact global du projet sur les flux de voitures particulières doit aussi être examiné à une échelle plus vaste ; celle de l’impact sur les conditions générales de circulation routière sur les grands axes de circulation (en terme de capacité et de sécurité).

Une attention particulière doit être également portée aux flux supplémentaires de déplacements automobiles et de poids lourds susceptibles d’être induits par le projet.

L’avis concernant l’impact sur les conditions de circulation devrait reposer autant que possible sur des indications chiffrées significatives.

La desserte en transports collectifs

Le Code du commerce prévoit également que la Commission doit prendre en compte la qualité de desserte en transport public ou avec des modes alternatifs.

La DDE doit donc apporter sur ce point les éléments qu’elle jugera utile.

Devront également être signalés les cas où un document d’urbanisme opposable subordonnerait l’ouverture à l’urbanisation de nouvelles zones à l’existence même d’une desserte en transports collectifs en application de du code de l’urbanisme.

La desserte avec des modes alternatifs

Sont concernés par cette formulation, les modes de transport alternatifs à la voiture particulière, les déplacements à pied, à vélos, avec fauteuils roulants, voitures d’enfants…

La satisfaction des besoins des consommateurs en terme de qualité de service figurait déjà parmi les objectifs généraux de l’équipement commercial. Elle concerne en particulier les personnes ne disposant pas de moyens de transports individuels ou collectifs, ainsi que l’accès direct aux commerces.

Le service instructeur devait donc déjà se montrer attentif à l’accessibilité à pied des commerces à vocation de proximité, notamment ceux à dominante alimentaire. Il doit désormais analyser la desserte piétonne non seulement à partir des zones d’habitat proches, mais également à partir des arrêts de transports en commun. L’examen doit porter sur les conditions de sécurité et de confort de la desserte des espaces publics et des espaces privatifs ouverts au public, et les conditions d’accès des handicapés.

Le stationnement

Enfin, le stationnement doit être examiné sous deux aspects qui seront plus précisément traités lors de l’instruction du permis de construire : d’une part, le respect des règles d’urbanisme qui limitent en proportion des surfaces construites, l’emprise au sol des parkings pour lutter contre l’étalement urbain, d’autre part l’adéquation du nombre de places à la nature et à la taille de l’activité commerciale. Il est à noter, néanmoins, que l’article précité, édicté dans le but d’économiser la consommation d’espace, pose de délicats problèmes d’application, dès lors que les commerces concernés disposent d’importantes surfaces de vente à l’air libre (cas des jardineries, notamment).

Il convient de noter, par ailleurs, que dès lors qu’il existe un réseau de transports en commun adéquat, le plan de développement urbain (PDU) qui est obligatoire dans les agglomérations de plus de 100 000 h. peut, en application de l’article 28-1-2 de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI), limiter le nombre d’aires de stationnement à réaliser lors de la construction de bâtiments à usage autre que d’habitation. Toutefois ces dispositions devraient essentiellement concerner les bureaux explicitement visés par la loi plutôt que les commerces.

La prise en compte des exigences d’aménagement du territoire

La prise en compte des exigences d’aménagement du territoire, de la qualité de l’urbanisme et de la protection de l’environnement

L’obligation générale pour les nouveaux équipements commerciaux de répondre aux exigences de l’aménagement du territoire et de la qualité de l’urbanisme se décline pour partie dans les règles fixées par le Code de Commerce et dans la partie non codifiée de l’article 1 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée et peut s’apprécier utilement à la fois en termes d’équilibres spatiaux et en termes qualitatifs.

Au regard des équilibres territoriaux et de la politique de la ville

La prise en compte de la notion d’équilibre territorial s’appuie sur le Code de Commerce qui prévoit que les implantations commerciales « doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine ».

En outre l’obligation de «répondre aux exigences d’aménagement du territoire… et de la qualité de l’urbanisme » imposée par le Code de commerce renvoie aux principes généraux exprimés à le Code de l’Urbanisme et à leur transcription dans les SCOT, notamment en ce qui concerne les orientations générales de l’organisation de l’espace, la desserte de proximité des zones d’habitation, l’équilibre entre espaces à urbaniser, et ceux à conserver, agricoles ou naturels, et les localisations préférentielles des commerces de proximité.

Enfin, l’objectif de « satisfaire les besoins des consommateurs » dont une part notable n’est pas motorisée invite à s’assurer du maintien de commerce de première nécessité à l’intérieur ou à proximité des zones d’habitat notamment dans les centres-bourgs ruraux et les quartiers sensibles.

Les critères d’équipement commercial sont dans la pratique prédominants

Les critères d’équipement commercial sont dans la pratique prédominants (densité commerciale notamment, mais aussi maintien de la concurrence, effet sur le commerce traditionnel, impact sur l’emploi au demeurant vu par le petit bout de la lorgnette).

La jurisprudence du Conseil d’Etat conforte ce point de vue en donnant la priorité à l’examen de l’impact des projets sur les équilibres commerciaux, et apparemment un rôle second à l’examen de leurs effets au regard du respect des exigences de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. En la matière la Haute Assemblée n’a pas encore fait sienne la théorie du bilan adoptée depuis des lustres pour la reconnaissance de l’utilité publique d’un projet d’infrastructure.

Ainsi dans l’arrêt GUIMATHO du 27 mai 2002, la Haute Assemblée a jugé que les commissions départementales d’équipement commercial devaient apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans des zones de chalandise intéressée, l’équilibre recherchée par le législateur entre les diverses formes de commerce, et, dans l’affirmative, rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard notamment de l’emploi, de l’aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des usagers.