Les critères d’appréciation de la CDAC : territoire et développement durable

La commission départementale d’aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d’évaluation sont :

en matière d’aménagement du territoire :

  • l’animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ;
  • les flux de transport ;
  •  les effets sur les Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat et les ZAC.

en matière de développement durable :

  • la qualité environnementale du projet ;
  • son insertion dans les réseaux de transports collectifs.

Les critères avant-réforme d’appréciation des projets d’équipement commercial

Les critères d’appréciation des commissions d’équipement commercial sont fixés par la loi.

1 L’article 1er de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat (non codifié) définit le cadre de l’exercice, à travers plusieurs principes généraux :

  • La liberté et la volonté d’entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celles-ci s’exercent dans le cadre d’une concurrence claire et loyale.
  • Le commerce et l’artisanat ont pour fonction de satisfaire les besoins des consommateurs tant en ce qui concerne les prix que la qualité des services et des produits offerts. Ils doivent participer au développement de l’emploi et contribuer à accroître la compétitivité de l’économie nationale, animer la vie urbaine et rurale et améliorer sa qualité.

L’essor du commerce et de l’artisanat doit permettre l’expansion de toutes les formes d’entreprises en évitant qu’une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque « l’écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux » et ne soit préjudiciable à l’emploi.

2 Pour l’application de ces principes, l’article 28 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée, devenu l’article L. 720-3 du code de commerce, définit une série de critères que doivent prendre en compte les commissions d’équipement commercial pour procéder à l’examen des projets qui leur sont soumis :

  • Les conditions d’exercice de la concurrence au sein du commerce et de l’artisanat ;
  • L’offre et la demande globales pour chaque secteur d’activité dans la zone de chalandise concernée ;
  • La densité d’équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ;
  • L’effet potentiel du projet sur l’appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l’équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ;
  • L’impact éventuel du projet en termes d’emplois salariés et non salariés ;
  • Les engagements des demandeurs de création de magasins de détail à prédominance alimentaire de créer dans des zones de redynamisation urbaine ou les territoires ruraux de développement prioritaire des magasins de même type, d’une surface de vente inférieure à 300 mètres carrés, pour au moins 10 % des surfaces demandées.

3 Par ailleurs, l’article 97 de la loi n°2000-1208 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi S.R.U. », devenu l’article L 720-3 II-1 a ajouté trois nouveaux critères à l’examen des projets d’équipement commercial :

  • L’impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ;
  • La qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ;
  • Les capacités d’accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises.

Enfin, l’article L 122-1 alinéa 9, introduit par la loi SRU, exige que l’autorisation d’exploitation commerciale soit compatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT).

La délimitation de la zone de chalandise

Les éléments à prendre en considération : la délimitation de la zone de chalandise d’un équipement commercial, objet d’une demande d’autorisation d’exploitation commerciale, est une donnée essentielle de l’instruction de cette demande. En effet, la mise en oeuvre de plusieurs des critères auxquels doivent se référer les commissions d’équipement commercial pour statuer dépend de la détermination de la zone de chalandise. Ainsi les CDEC doivent, en application de l’article L 720-3 du code de commerce, se prononcer notamment en prenant en considération :

– l’offre et la demande globales pour chaque secteur d’activité dans la zone de chalandise
concernée ;

– la densité d’équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ;

– l’effet potentiel du projet sur l’appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l’équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce. »

Selon les professionnels du secteur de la distribution, la zone de chalandise d’un magasin de commerce de détail représente, dans une étude de marché, l’aire géographique où résident 80 à 90% de la clientèle potentielle de l’établissement commercial. La délimitation de la zone de chalandise est alors fonction de la nature et de la taille du magasin envisagé, des temps d’accès en automobile, de la présence d’éventuelles barrières géographiques ou psychologiques, de la localisation et du pouvoir d’attraction des équipements commerciaux concurrents ainsi que de la localisation des magasins exploités sous la même enseigne que celle de l’établissement concerné.

Dès lors, les demandeurs d’une autorisation d’exploitation commerciale excluent fréquemment de la zone de chalandise du magasin qu’ils envisagent d’implanter certaines communes relativement proches du site concerné mais dotées d’équipements commerciaux de nature à dissuader leurs habitants de fréquenter le magasin projeté :

– soit parce que les dimensions de ces équipements ou de l’ensemble commercial auquel ils appartiennent sont nettement plus importantes que celles du magasin envisagé,

– soit parce que ces équipements ont la même enseigne que celle du magasin envisagé.

L’évolution récente de la jurisprudence : cette pratique des demandeurs est condamnée par le Conseil d’Etat dans une jurisprudence qui s’est développée depuis 2002 ( CE, 19 juin 2002, syndicat intercommunal de défense de l’artisanat et du commerce ; CE, 17 décembre 2003, société Monbazon ; CE, 11 février 2004, société Etablissement Grassot, société Jardivil.

En dernier lieu, le Conseil d’Etat, dans ses décisions « société Jesda » et société Bricomuret » du 10 novembre 2004, considère que « la zone de chalandise de l’équipement commercial faisant l’objet d’une demande d’autorisation, qui correspond à la zone d’attraction que cet équipement est susceptible d’exercer sur la clientèle, est délimitée en tenant compte des conditions d’accès au site d’implantation du projet et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder » et « que, dans un second temps, l’inventaire des équipements commerciaux ou artisanaux de la zone de chalandise ainsi délimitée est effectué en retenant l’ensemble de ceux qui relèvent du même secteur d’activité que celui du projet, y compris ceux qui sont exploités sous la même enseigne que celle sous laquelle le projet, objet de l’autorisation, a été présenté».

Au regard des principes ainsi posés, le Conseil d’Etat conteste, dans les circonstances de l’espèce, la délimitation des zones de chalandise établie par les demandeurs en observant dans son arrêt « société Jesda » « qu’à l’appui de sa demande d’autorisation d’exploitation commerciale d’un grand magasin de bricolage et décoration à Blagnac, la société Castorama France a défini une zone de chalandise incluant plusieurs communes de l’ouest de l’agglomération toulousaine situées à plus de trente minutes du site, mais excluant certaines communes situées à l’est et au sud de l’agglomération, distantes de quinze à trente minutes du site, et notamment les communes de l’Union, Balma et Roques-sur-Garonne, au motif qu’y seraient implantés des établissements relevant du même secteur d’activité, dont deux exploités sous la même enseigne ; que la délimitation ainsi opérée a conduit à ne pas prendre en compte des grands magasins de bricolage et décoration totalisant une surface de vente de plus de 40 000 m²». Le même raisonnement a été appliqué dans la décision « société Bricomuret » qui concerne la création autorisée par la CNEC d’un magasin de bricolage de 15 200 m² de surface de vente à l’enseigne « Leroy Merlin » à Roques-sur-Garonne (Haute-Garonne).

Le conseil d’Etat, dans l’arrêt « société Jesda », en conclut « que les insuffisances entachant ainsi, au regard des règles rappelées ci-dessus, la délimitation de la zone de chalandise dans le dossier produit par le demandeur, qui n’ont pas été rectifiées au cours de l’instruction, ont conduit la commission nationale d’équipement commercial à se prononcer sur la demande d’autorisation dont elle était saisie, sur la base de données incomplètes et inexactes qui ne l’ont pas mise à même d’apprécier l’impact du projet au regard des critères fixés par les articles 1er de la loi du 27 décembre 1973, L.720-1 et L.720-3 du code de commerce.» et « que la décisions attaquée est ainsi entachée d’illégalité ».

En d’autres termes, pour la délimitation de la zone de chalandise, le Conseil d’Etat privilégie le critère du temps de déplacement maximum nécessaire à la clientèle pour accéder au magasin concerné. Une fois établie la courbe isochrone correspondant à un temps maximum d’accès au magasin projeté, il ne peut être question de modifier ce périmètre en excluant certaines communes en raison des dimensions, de l’enseigne ou de la nature d’activité des équipements commerciaux dont elles sont dotées.

Une telle position est justifiée par le souci de permettre aux commissions d’équipement commercial d’apprécier pleinement le risque, pour un projet qui leur est soumis, de déstabiliser l’appareil commercial de la zone de chalandise. En effet, une densité relativement faible d’une zone de chalandise déterminée par l’exclusion, en raison de leur équipement commercial, de communes proches du site n’est pas suffisante pour permettre de conclure à l’absence de risque de déséquilibre du petit commerce de cette zone, lequel est confronté à la vive concurrence des grandes surfaces de distribution exploitées dans les communes précisément exclues de la zone de chalandise ainsi délimitée.

L’abus de position dominante dans l’appréciation

Dans un contexte de concentration de la distribution, le contrôle de l’abus de position dominante (articles L 420 – 1 et 430 – 1 du Code de commerce) est essentiel, surtout au niveau local où près de 57 % des marchés peuvent être détenus jusqu’à 40 % par un même groupe ou une même enseigne.

Sous l’empire des lois Royer-Raffarin, le Conseil d’État9 a développé toute une jurisprudence permettant de refuser une autorisation d’exploitation si le projet faisait encourir à un groupe ou à une enseigne un risque d’abus de position dominante dans la zone de chalandise ; des parts de marché entre 25 et 35 % n’entrant pas dans ce cas.

Or, la sanction de la dominance abusive est directement prévue par le Traité de Rome (article 82 et suivants). La présence excessive d’un groupe ou d’une enseigne sur un marché local peut avoir des effets négatifs en termes d’aménagement du territoire, critère déterminant de la nouvelle législation.

Même si la concurrence loyale est introduite comme principe directeur de la nouvelle législation de l’aménagement commercial, le critère de la position dominante abusive ne figure pas parmi ceux sur lesquels les CDAC fondent leur décision d’octroi ou de refus d’autorisation.

Toutefois, la loi ouvre la faculté au maire de saisir l’Autorité de concurrence en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique de la part d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail. L’Autorité pourra prononcer les sanctions et injonctions requises si cette pratique est avérée.

Si les injonctions et sanctions classiques ne parviennent pas à mettre fin à la pratique illicite, l’Autorité peut, par décision motivée après observations de l’entreprise ou du groupe en cause, lui enjoindre de modifier, compléter ou résilier, dans un délai déterminé, tous les accords et actes par lesquels s’est constituée la puissance économique ayant permis ces abus. Elle peut, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de procéder à la cession de surfaces si cela est le seul moyen de garantir une concurrence effective dans la zone de chalandise.